Préparation et départ

C'est décidé le vendredi 10 juin 2016, je me présente au passage de grade du sixième dan, et mon ami, élève et assistant se présente le samedi 4 juin 2016 au cinquième dan. Nos partenaires respectifs sont donc tout trouvés.

Dans un premier temps, nous avons posé toutes les bases de la préparation de l'examen. Nous avions décidé malgré le résultat de vivre ensemble des moments de partages, de joie et d'amitié. Nous voulions profiter de nos expériences respectives pour vivre ces moments le plus sereinement possible. Ensemble, avec les élèves du dojo et bien sûr nos familles. Hors de question de stresser et de s'infliger une pression trop importante.

Dans un second temps, nous avons réglé la logistique. Inscriptions, transport, hébergement, budget, horaires et lieux d'entraînement. Remplir les dossiers en temps et en heure et les envoyer à la fédération. Pour le transport, nous avons choisi le train afin d'éviter de la fatigue et du stress (bouchon, parking, panne...). Mon fils Quentin faisant ses études à Paris, nous avons squaté son appartement dans le 13ième. Cela nous a permi en plus de partager un peu de sa vie parisienne et nos examens de fin d'année. Le budget : cela peut paraître anodin mais bien prévu, il évite des facheries et du stress. Donc, carte sur table, tout a été défini à l'avance. Pour l'entraînement (1 à 2 fois par semaine spécifique grade plus 2 fois dans les cours). Nous avions deux dojos. Celui de mon club où nous pouvions pratiquer avec les élèves et l'autre dans ma ville où nous pratiquions tous les deux. Très proche de chez nous, c'était la solution idéale. Les horaires, surtout le matin ou en début d'après midi pour être dans les même conditions que l'examen. Il restait donc à définir le contenu de nos prestations.

L’examen

Le passage de grade du 6ième dan est constitué de 5 épreuves. Du Kihon, des Katas, des Bunkai, du Kumité, le mémoire et sa soutenance. Le jury nous a laissés choisir l'ordre dans lequel nous souhaitions démontrer les unités de valeurs. J'ai choisi de faire le Kihon, les Katas et leur bunkaï, le Kumité et la soutenance du mémoire. Le passage est à huit clos, interdiction pour les candidats de regarder la prestation des autres, pas de public et Jovani Tramontini est là pour gérer les entrées et sorties des candidats. Nous étions une quinzaine au total et trois jurys de trois étaient installés salle Awazu à l'Institut National du Judo (super salle). Le passage se déroule d'un seul tenant. Le jury laisse du temps entre chaque démonstration pour souffler. C'est  très confortable, impossible de se déconcentrer une fois que vous entrez dans l'arène mais aussi éprouvant, il faut tout donner pendant une bonne trentaine de minutes.Dans tous les cas, nous sommes des samouraïs ou non...

Il reigne une très bonne ambiance, sereine, respectueuse et énergisante. J'ai ressenti que le jury n'était pas là pour condamner. En revanche, il faut se lâcher et démontrer vraiment qui nous sommes. Votre identité doit ressortir grâce à un contenu technique conséquent et cohérent. Bref, vous êtes qui ? vous faites quoi ? Qu'allez vous développer dans le futur ?

Photo : Salle d'examen Awazu. Institut National de Judo

Kihon

Il faut créer un enchaînement de son choix, le démontrer au jury (je l'ai fait directement vitesse combat) puis, l'appliquer avec son assistant (je l'ai démontré une fois doucement puis vitesse combat), enfin, le commenter si le jury le demande (pour moi pas de commentaire).
Total de la prestation environ 10'. Ci-contre une petite vidéo du Kihon avec ses applications. J'avais opté pour un Kihon multidirectionnel composé de Karaté traditionnel et de Karaté Jutsu. Première partie seul en exécution lente puis applications vitesse rapide. Je voulais faire le lien avec la transversalité dans la pratique exprimée dans mon mémoire.

Katas

Kata de son choix dans la liste officielle. J'ai opté pour Sochin et Jiin. J'ai présenté Sochin, vitesse combat puis son bunkaï, vitesse lente et vitesse combat.
Aucune question de la part du jury. J'ai déroulé l'ensemble de mes bunkaï comme prévu. Après quelques minutes de repos, idem pour Jiin.
Total de la prestation environ 15'. Dans le même esprit que pour le Kihon, j'avais opté pour des bunkaï en Karaté traditionel et Karaté Jutsu.

Ci-contre les deux katas en vidéos.

Kumité

Kumité de son choix. J'ai choisi le Jyu Ippon Kumité avec à l'intérieur trois thèmes différents. Choix de la garde pour orienter les attaques, les blocages et les contres dans le même temps et la pratique du Henté. En ce qui me concerne et à l'issue des bunkaï, le jury m'a annoncé qu'il n'avait pas besoin de me juger sur cette partie. J'ai insisté pour démontrer cette partie : par respect pour mon assistant au regard du travail fourni, parce que j'avais besoin de m'exprimer à ce sujet et terminer mon passage sans le réaliser dans son intégralité était frustrant .Nous n' avons donc développé qu'une partie du thème. Mais quel plaisir total de la prestation (environ 10'). Toujours dans un souci d'homogénéité, j'ai intégrer le Henté dans le Jyu Ippon Kumité. Il est en effet le thème de mon mémoire.

Mémoire

Après tous ces efforts j'étais impatient de me présenter pour soutenir mon mémoire. Je ne l'ai pas vécu comme quelque chose de stressant au contraire. Cela pour trois raisons : dialoguer avec le jury est enrichissant et différent des autres passages de grades.
La conception du mémoire m'a demandé quelques heures de travail, souvent en solitaire, le présenter était pour moi une récompense.
Enfin, de nombreuses personnes auxquelles je tiens ont été citées, certaines ont participé à son élaboration. C'était quelque part les représenter et les remercier.
C'est avec plénitude et le sentiment du travail accompli que je me suis assis face au jury pour présenter mon mémoire et répondre à leurs questions.
Le jury a été curieux et aucun piège ne m'a été tendu. Il m'a laissé m'exprimer en confiance et avec passion. Total de la prestation environ 10'. J'ai décidé de le mettre en ligne car, il n'y a rien de secret, je ne crains pas d'être jugé et si cela peut servir à d'autres pratiquants dans leur préparation alors tant mieux.

Memoire du 6 ème Dan

Résultat

Un grand soulagement...
C'est terminé. Peu importe le résultat, nous avons depuis un an donné le meilleur de nous même, vécu de très belles choses, représenté le plus dignement possible notre sensei, Jean Pierre LAVORATO, notre style le Shotokan et notre Ecole, celle de Teiji Kasé.

Le jury appelle pratiquement dans la foulée chaque candidat et son assistant. C'est notre tour, Mr Hervé RAYMOND vous êtes admis à votre 6ième dan et faites partie des hauts gradés de la fédération. Comment vous dire...
C'est dans les vestiaires que les larmes ont éclaté et qu'une accolade pleine d'amitié avec Fred est venue clôturer ce passage de grade.

Remise officielle

Après une petite douche, et quelques coups de téléphones, direction la fédération pour la remise officielle de la ceinture blanche et rouge, le repas en commun avec les participants, leurs assistants et les membres du jury.
Le président fait un discours sur le Karaté do, les grades et plus spécifiquement le grade de 6ième dan. Pour finir il prononce un petit mot pour chaque candidat avant de lui remettre officielement sa ceinture.
C'est un moment très solennel qui m'a fait vraiment plaisir et marque de son sceau, quelques années de pratique, d'enseignement et de vie associative.

Je ne suis pas un accro des cérémonies et autres congratulations mais dans tous les cas et chacun le ressentira en fonction de son vécu cette cérémonie agrémenté du repas ne laisse pas indifférent.
Ensuite, ba on reste encore sur un petit nuage (pour moi une bonne semaine) et direction un petit bar dans le 13ième arrondissement pour fêter ça encore une fois... La nuit, pas très bonne... Les émotions, la joie, le relâchement... il faut le gérer.

Ça passe ou ça casse

Un petit résumé des différentes galères qui sont venues ponctuer notre préparation et notre passage de grade. Sans pour autant nous décourager. Ok, parfois cela a failli, mais nous avons tenu bon...

Trois semaines avant les passages, un ushiro geri a eu raison d'une de mes côtes et de quelques cartilages en passant. Radio, médecin, osthé. Côte cassée mais non déplacée. Médicalement j'ai le feu vert à condition de ne pas prendre de coup dessus (on va gérer au mieux). Traitement anti douleur de cheval (merci Fred pour la surprise...). J'appelle mon sensei pour le prévenir et demander quelques conseils. Il me passe Dominique Valéra en direct : "achète une bande de contention, reprends l'entraînement en douceur puis monte en pression", dit il.

Première semaine, repos complet (douleur), deuxième reprise de l'entraînement (ça craque de partout), troisième semaine, test grandeur réelle (ça tient et la confiance est revenue), Le jour du passage de Fred, je lui dis : "Tu fais le programme prévu, tu ne lâches rien, hajimé". Tout c'est bien passé !

Contraction - Relâchement

 

Contraction, décontraction, concentration, action
Le jeudi de notre départ pour le sixième dan, Je découvre devant ma porte, un Fred avec une jolie minerve de couleur bleue.

Que ce passe t il ? "Hier à l'entraînement, j'ai choppé une grosse contracture, impossible de dormir et de tourner la tête...". "

Si besoin on annule le passage, la santé en priorité". C'était mal connaître Fred... Départ pour Paris dans la foulée.

J'emporte une super pommade miracle. Le soir massage et couché avec la minerve. Le matin, cou légèrement moins contracté mais il va falloir beaucoup de courage à Fred. Au passage, super échauffement, Fred me dit "tu fais le programme prévu, on ne lâche rien".

Nous sommes rentrés dans notre coquille et hajimé. L'examen se déroule encombre et le soir pratiquement plus de douleur. Un vrai samouraï ce Fred...

Inondation

Il y a ce qui prévu et le reste. Paris inondé, voies de métro bloquées, gare fermée. C'est très rare, mais cela tombe pendant les deux semaines de nos examens.Alors comment gérer ? Et bien si nous utilisions le Karaté do. En kumité, il faut trouver des solutions, pas d'échappatoire. Idem pour nos examens, peu importe, nous devons être présents et opérationnels.Nous avons donc pris un peu de recul, analysé les problèmes et trouvé des solutions. Certes, il a fallu utiliser la marche à pied, le RER, le métro, le tramway et plein de bonne humeur.
Fred a découvert les joies du transport en commun en période de galère... Bienvenue au petit citadin de la campagne...

Grève

Examen terminé et réussi mais pas de train pour rentrer à la maison, Je décide d'anticiper et de passer la veille à la gare Montparnasse pour gérer le problème. Arrivés là bas, ça fight très dure. Une grosse tension, des gens mécontents, des employés SNCF dans la difficulté avec un manque d'informations notables. Je dis à Fred : "on s'assoie, on regarde". Je ne voulais pas gérer le problème au même rythme que tout le monde et utiliser la même approche (kumité oblige). Après quelques minutes, une brèche s'ouvre. Un employé est disponible. Je l'aborde avec beaucoup de gentillesse et lui fais partager notre joie suite à la réussite de nos examens. Cependant nous aimerions rentrer à la maison pour le partager avec nos familles.

"Qu'avez vous à nous proposer ?". "Moi rien mais une de mes collègues pourra vous aider." Nous sommes conduits directement à une gentille demoiselle qui nous trouve un train pour le matin avec places assises. 15 minutes pour gérer le problème sans se disputer avec tout le monde. Nous sommes donc repartis avec nos billets, un joli sourire d'une jolie demoiselle... J'avais dit à Fred:" t'inquiète on va essayer de gérer ça avec l'esprit du Budo." Coup de bol, ça a marché...

Conclusion

Pour conclure, car j'aurai encore quelques anecdotes sur nos sorties dans Paris avec Fred le petit citadin en herbe.

Par exemple : manger Kurde à Strasbourd Saint Denis est assez dépaysant. Ou bien, visiter Notre dame de Paris , aller sur les Champs Elysées, se promener parmi les colonnes de buren, faire un coucou au soldat inconnu... non j'arrête.

De super souvenirs malgré ces quelques embûches qui me confirment que le Karaté do n'est pas seulement un art martial  mais aussi un art de vivre.

Et après

Je suis 6ième dan et après...

Prendre le temps d'apprécier puis CONTINUER l'entraînement, la recherche, ne pas abandonner les valeurs transmises malgré l'appel des sirènes, former de futurs professeurs de Karaté do (technique et culture), participer et pratiquer le plus possible aux stages, au dojo et seul, transmettre aux enfants les valeurs du Budo (patience, persévérance...), vivre pleinement le Karaté do au dojo et en dehors...

Bref, pratiquer, progresser, et essayer de faire perdurer l'art martial dans toute sa beauté, sa technicité et sa complexité.

Vaste projet entamé il y a quelques décennies qui m'apporte encore beaucoup. Alors, je continue et nous verrons bien.

Diaporama

Voici un petit diaporama qui résume un peu tous ces bons moments de préparation et de passage.

Témoignages et remerciements


Jacques

Qu'il est intéressant de découvrir ce que vous avez donné de vous même. Cela a du être très bénéfique. En tout cas, merci a vous deux de nous faire plonger dans des rêves. Merci pour ce partage. A bientôt au dojo, aux stages. On en a bien besoin, quand on regarde vos prouesses.

Marion

Merci pour ce partage d'expérience, une aventure qu'on prend plaisir à lire ! Félicitations à tous les deux. A bientôt au dojo !

Hervé

Un grand merci à tous, Marina, Fred, Quentin, Pascal, tous les élèves et profs du dojo, mon sensei Jean Pierre LAVORATO.


Quentin

Je prends enfin le temps de lire cet article... Plus que fière d'avoir pu profiter du travail de mon père et de lui apporter des ressources qu'elles soient symboliques ou techniques. Ce mémoire ne fut pas seulement l'occasion de penser la conception d'un objet mais principalement dans mon cas d'un échange personnel sur le temps, la famille, d'où viens-je ? Qu'est ce que je veux transmettre ? Comment interroger la transversalité entre art martial et art visuel ? Ce passage du 6ième dan est dans un autre temps, pour mon cas, une remémoration des images, des souvenirs qui font le vécu, l'expérience de mon papa. Des détails, des anecdotes qui s'avèrent être fondamentales, marquantes durant ces 20 dernières années : une maman qui lave le kimono chaque soir en rentrant du dojo, des enfants qui ne dorment pas car ils attendent leur papa pour leur souhaiter bonne nuit, du Michael Jackson en boucle dans la renault 19... La liste serait longue. L'art, le design, c'est de créer des mondes dans un monde. Ainsi, le Karaté do et je pense plus particulièrement celui que tente d'enseigner mon papa en est un. Ce monde où lorsque chaque pratiquant rentre dans son dojo; enlève leur paire de chaussures, et lui met un petit cailloux à l'intérieur, puis, reparte tous à chaque fin de cours...


Martial

Je ne parlerai pas technique... Je suis tellement impressionné et il y a tellement à faire !!! Ceci dit toute la passion transmise, toutes les valeurs humaines données, partagées... Quelle belle leçon de vie. C'est pourquoi j'ai envie e pratiquer dans cet univers, de continuer à transpirer, à souffrir. Merci aussi de transmette votre bonheur, vos joies pleines de simplicité mais surtout pleines de sincérité et de vérité. En un mot merci de nous faire partager votre passion et de nous la transmettre.

Frédérique

Quel beau résumé ! Quelle belle expérience partagée avec toi tant humainement que techniquement. Je résumerai ton récit en disant que peu importe le résultat, le plus important est le chemin parcouru pour y parvenir. Que de superbes souvenirs. Je souhaite à tous les karatékas de partager de tels instants. Merci pour tout Hervé.